Ce n’est pas nouveau : Nicole Kidman a toujours eu un faible pour les rôles de femmes complexes et intelligentes, au désir vorace et aux mœurs ambiguës. C’est Alice Harford dans Eyes Wide Shut, devant la caméra de Stanley Kubrick, Evelyn Stocker dans le Stoker de Park Chan-Wook, ou bien encore Martha Farnsworth chez Sofia Coppola, dans le très beau Les Proies, récompensé au Festival de Cannes pour sa mise en scène en 2017. Ce vendredi 30 août 2024, elle a ébloui la Mostra de Venise dans le rôle de Romy Mathis, PDG glaciale et intransigeante d'une entreprise de e-commerce, qui voit sa vie bousculée à l'arrivée d'un stagiaire un peu trop véhément en la personne de Samuel, sous les traits de l'espoir Harris Dickinson (révélé par le Sans Filtre de Ruben Östlund).
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Par Lolita Mang et Marthe Mabille
Dans Babygirl, la cinéaste néerlandaise Halina Reijn poursuit certains codes du cinéma érotique, à l'instar du méconnu La secrétaire de Steven Shainberg, prix spécial du Jury du festival de Sundance en 2002. La géniale Maggie Gyllenhaal y campe Lee Holloway, une jeune femme souffrant de ce qui ressemble en tout point à un syndrome post-traumatique. Sortie d’un hôpital psychiatrique depuis peu, elle se trouve un travail de secrétaire pour l’avocat E. Edward Grey, avec qui le rapport hiérarchique se transforme bientôt en relation sadomasoch*ste. La secrétaire se propose ainsi d’explorer les questions philosophiques les plus intimes, à travers le sexe. Que désire-t-on, et pourquoi le désire-t-on ? Ces questions, Halina Reijn les reprend intelligemment et se les approprie, traduisant le malaise dans lequel se trouvent plongées les expressions du désir féminin, à l'heure où les femmes sont prises en une performance constante de puissance, sous l'aune du féminisme libéral, et des imaginaires érotiques façonnés par la société patriarcale.
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Babygirl, un thriller érotique grinçant
L'image est aussi lisse que la peau de Nicole Kidman. Et c'est à vrai dire, probablement l'effet recherché par Halina Reijn et son directeur de la photographie, le talentueux Jasper Wolf. Tout, dans le monde de Romy Mathis, est d'une blancheur extrême. Aucun cheveux ne dépasse de son chignon blond vénitien, son trench camel tombe toujours parfaitement sur ses épaules. Tout est son contrôle, dans les moindres détails de son apparence – jusqu'à son visage percé d'aiguilles remplies de botox, dans un plan d'une audace peu commune pour Nicole Kidman, tant on en devine la précieuse intimité. À ce titre, le personnage n'est pas sans rappeler celui qu'incarne Demi Moore dans The Substance de Coralie Fargeat, dont la sortie est prévue le 6 novembre 2024 dans les salles françaises. Mais après avoir choisi le registre horrifique pour son précédent long-métrage, Bodies, Bodies, Bodies, Halina Reijn préfère ici le ton du thriller, auquel elle ajoute un humour grinçant qu'on lui reconnaît, et qu'elle manie avec brio.
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Il est une chose que le personnage de Nicole Kidman ne parvient à dompter : ses désirs, qu'elle assouvit en secret dans l'obscurité d'une salle de bain, après avoir simulé un énième org*sme avec son mari (Antonio Banderas). L'équilibre est bancal, mais il prévaut. Du moins jusqu'à l'arrivée du trublion Harris Dickinson, stagiaire éhonté aux intentions troubles, qui fait basculer la glaciale PDG, pour plonger corps et âme dans une liaison adultère aux enjeux tragiques. Le synopsis, ainsi narré, flirte dangereusem*nt avec celui de l'horrible saga Cinquante nuances de Grey. Halina Reijn, plus maligne que ça, désamorce le cliché, ou plutôt, en joue. Présenté comme un thriller érotique, Babygirl pourrait également fièrement arboré le statut de comédie grinçante, tant les joutes verbales entre les personnages de Kidman et Dickinson sont tantôt géniales, tantôt risibles dans leurs inexpériences et surtout sous les masques qu'ils n'osent poser à terre. Ainsi, inverser les rapports de force souvent dépeints au cinéma, entre un patron autoritaire et une assistante ingénue, la cinéaste néerlandaise choisit de filmer une femme de pouvoir, pour proposer une anatomie du désir féminin le plus authentique.